Dominique-Emmanuel Blanchard

Lisa D’Hollywood

13.00

— Vous portez la même robe qu’Ava Gardner dans The Killers, ai-je dit.
Elle évitait absolument de me regarder. Je me suis assis en face d’elle.
Ce n’était pas la même robe que qu’Ava Gardner dans The Killers, la robe de cette fille était courte.
— Écoutez, a dit Lisa, je dois voir quelqu’un de très important, de très important pour moi.

J’étais fasciné par ce visage où l’on devinait sans peine les os sous la peau. Cette fille avait des joues terriblement creuses et des yeux en colère. Cette fille paraissait furieuse et indifférente. C’était ça : elle vous jetait son mépris du monde à la gueule. Mais elle avait aussi besoin du monde. J’avais dans l’idée qu’elle devait le lui faire payer, et cher.
J’ai fini mon verre. Je commençais à doucement sentir la réalité se décoller des choses. C’était juste l’état que j’aimais.
— Je suppose que vous êtes dans le cinéma ? ai-je demandé, oui, je vous verrais bien dans le cinéma.
— JE SUIS ACTRICE.
Je crois que sa voix ressemblait à celle de Lauren Bacall.
— Vous savez, a ajouté Lisa, Barry Mulligan peut être très important pour ma carrière.
Ce Barry Mulligan lui avait promis un rôle dans un film qui racontait l’histoire d’un boxeur tombé dans la débine et qui est sur le point de se suicider quand il rencontre une femme qui va croire en lui.
Cette fille ne me regardait jamais en face. Elle attendait que je baisse les yeux pour m’observer, mais elle avait su tout de suite que je n’étais pas dans le cinéma. Je me sentais devenir fou de cette fille. J’étais sûr qu’elle allait me filer entre les doigts.
— Un jour j’achèterai une maison à Nice, vous savez Nice sur la côte d’azur, en France : c’est là que j’irai quand je serai une star.

C’était la première fois qu’on me parlait d’autre chose que de cette putain de Tour et des petits bistrots de Montmartre dès que je disais que j’étais Français. Mais, la plupart du temps, mon oncle me l’avait dit : ils ne savent même pas que la France existe.
— Et ce Barry Mulligan, j’imagine, est quelqu’un de très important !
— Il faut que je couche avec lui !
De l’entendre me dire ça m’a filé un sacré coup : je n’avais pas envie de l’imaginer en train de baiser avec qui que ce soit!
— Ce ne sera peut-être pas nécessaire, ai-je dit, peut-être que votre talent suffira, je veux dire ; votre talent d’actrice sera peut-être suffisant pour qu’il vous engage sur ce tournage.
— Ce n’est pas possible. Pas avec quelqu’un comme Barry Mulligan.

J’ai pensé que c’était foutu. Lisa n’avait rien à foutre d’un petit prof frenchie. Elle devait faire vite, y aller sans se poser de questions. Elle devait savoir qu’elle avait ce genre de beauté inquiétante qui ne dure pas. Je ne lui en donnais pas pour dix ans. J’ai eu envie de lui dire que je l’aimais comme un dingue.

Informations complémentaires

ISBN

2-911803-38-8

Pages

144

Format

14×19

UGS : 6074a2656586 Thème : ,