Nous avons appris en fin de semaine dernière avec une tristesse infinie le décès de David Biale, auteur de Ici-Bas. Pourquoi la Torah n’est pas au ciel. Avec son accord, nous partageons les mots de sa traductrice, amie et cousine, Isabelle Rozenbaumas. Le Bord de l’Eau la remercie de son autorisation et s’associe à sa peine et à son élégance.

© UC Davis

« Chers amis,

Les obsèques de David viennent de se tenir à Berkeley, et nous avons pu nous joindre par Zoom au Memorial Service organisé au Magnes Museum.

[…]

David et moi, David et ma famille avions tissé de multiples liens dans la riche étoffe de notre relation, qui s’est développée à l’ombre d’un arbre … généalogique, construit par ma belle-mère Monique Biezunski z’l’ dans le jardin de Chaville. J’étais déjà la traductrice préconisée par Jacqueline Carnaud pour Éros and the Jews (dixit : « Éros, c’est typiquement pour Isabelle ») lorsque mon directeur de thèse (jamais achevée), Pierre Vidal-Naquet, m’annonce : « Ïsabeau, vous savez que je vais voir votre homonyme à Varsovie ? » J’étais persuadée qu’Iza Biezunska, qui figurait dans ma bibliographie pour une thèse écrite en 1935 sur les femmes dans l’Égypte ancienne, avait succombé au génocide. Tel n’était pas le cas, Dieu merci, et elle se trouvait être la meilleure amie de PVN à Varsovie. Un peu plus tard, elle venait à Paris, invitée au séminaire de PVN sur la tragédie grecque que je suivais depuis des années avec passion.

De fil en aiguille, grâce aux recherches de Monique B. nous sommes remontés jusqu’aux Biezun, puis aux Biale. L’ordre m’échappe un peu aujourd’hui.

À dire vrai, la relation intellectuelle avec David et Rachel, qui a également écrit sur la femme dans la Bible, m’aurait largement comblée. Dayenu. Mais David et Rachel avaient un sens très profond de ce que signifiait d’être un nouvel immigrant dans ce pays/continent, et ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour nous faire ressentir ce cousinage. Ils nous ont accueilli à Berkeley durant un mois plein vers 1996 ou 1997 lorsque Michel, mon époux, cherchait du travail sur la côte ouest. C’est à ce moment là que j’ai commencé de traduire du yiddish le manuscrit de mon père.

Nos enfants ont continué à tisser le fil d’or de ce cousinage certes lointain, mais devenant de plus en plus précieux.

Si Éros juif et Pouvoir et violence dans le monde juif (que nous avons rédigés en français ensemble, en vue de 4 conférences à la Sorbonne) avaient été des expériences transformatives pour moi, la dernière année passée à traduire la Torah (dans la tête) de David, celle qui n’est pas au ciel, durant sa maladie et en lisant régulièrement le bulletin de santé qu’il rédigeait scientifiquement pour ses amis, a été le travail le plus scrupuleux que je pouvais faire.

Vous verrez maints témoignages de la profonde humanité, des qualités intellectuelles et scientifiques de David (Naomi Seidman, Steven Zipperstein) par ses collègues et amis. Rarement un universitaire et un savant aura été aussi bienveillant et proche de ses étudiants. Un mentsh dont la mémoire sera honorée longtemps et avec émotion.

Amitiés,

Isabelle Rozenbaumas Biezunski »

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