Robert Misrahi Martin Nicolas

Un Combat Philosophique

Pour une éthique de la joie

15.00

Ce «Combat philosophique» est loin de découper l’image lisse du fou chantant que Cabu croqua affectueusement dans «Charlie Hebdo» : le chapeau coiffe l’occiput, les joues sont pleines, le regard gourmand. Il dévoile la correspondance secrète et distanciée qui unit la vie d’une pensée sur le bonheur à celle d’un philosophe, né en 1926, qui a connu le malheur. Pourquoi Misrahi, lui si instruit de la fragilité de l’existence, est-il l’auteur d’une doctrine de la joie ? C’est oublier son intention politique: il vise à un universel concret. La cohérence de sa pensée dit son amour de l’autre. La clarté de son langage aussi.
L’énigme du commencement…
C’est dans l’ombre glacée du fascisme que Robert Misrahi, adolescent, entreprend de relier le désir et la réflexion. Doit-on s’étonner de ce premier pas philosophique ? Précisons: pour Misrahi, ce n’est pas le refus de la barbarie mais la référence active au désir de joie qui ordonne le combat contre la barbarie. Contre le triomphe aveugle de l’économie de marché il installe la joie d’exister et la liberté. Et rien n’est généreux comme l’engagement qui fonde cette philosophie intempestive: ouvrir pour tous les portes du bonheur véritable!
Nombreux pourtant sont ces auteurs dont le désir de joie soudain se défait comme un vol de papillons. Ils s’endeuillent. Robert Misrahi n’est pas de ceux-là. «Être heureux. Quelle corvée !» «Pourquoi ne pas l’avouer : ma préférence, toujours, va vers ce qui vacille, chancelle, flageole et menace à tout instant de sombrer.» Danse alors «au-delà de cet horizon indécis» la voix de Robert Misrahi : «Je m’aperçois que les philosophies tragiques sont des philosophies de la solitude.»
En poursuivant la cohérence de cette recherche sur le sujet et son désir ? jusque dans ses retranchements les moins débattus ? c’est la capacité de la philosophie à orienter l’existence que l’auteur interroge. Une mise à l’épreuve qui se double d’une pédagogie, puisque les réponses apportées mobilisent l’essentiel de la philosophie : Platon, Kant, Husserl, Heidegger, Lévinas ou encore Ricoeur. Sans omettre le piquant échange avec «les pragmatistes» ni la fréquentation permanente de Spinoza, mais jamais pour étaler une érudition qui n’est convoquée ici que pour soutenir le propos vif et aigu.
Et Sartre ? Quand paraît «L’être et le néant», Misrahi a 17 ans. Ça l’emballe. Il écrit à l’auteur: «Sartre, Café de Flore.»
Ils se verront plusieurs années…
Il est rare qu’un dialogue, engagé ainsi de façon spontanée, ne soit pas l’objet de retouches; l’auteur éprouvant, a posteriori, le mouvement de sa pensée et souhaitant l’accorder à l’actualité. Ici, le livre se déploie au plus près de l’oralité tant chez Misrahi l’échange est constant entre la cohérence de la réflexion et l’intensité de l’expérience. On découvre un philosophe impatient de répondre, serein souvent, vivant toujours.
Victor Segalen est un des auteurs privilégiés de Robert Misrahi. Lui aussi érige une Stèle au désir. Lui aussi juge le réel plus riche que l’imaginaire. La muraille de sa Cité est de couleur rouge. Celle de Misrahi, d’un bleu profond. C’est là, au bord de l’eau, que ces entretiens ont eu lieu, du mois de mai au mois de septembre 1999, dans les environs de Paris. La Seine déposera ce livre sur les berges de la Garonne. Près de l’éditeur.
Du magnétophone monte encore le murmure ensoleillé du fleuve.
Nicolas MARTIN
1. Charlie Hebdo, Robert Misrahi s’entretient avec Stéphane Bou et Philippe Val, dessins de Cabu, le 30 juin 1999.
2. Voir le très beau livre de Pierre AUTIN-GRENIER «Les radis bleus», le dé bleu, 1990.
3. Victor SEGALEN «Stèles», Poésie/Gallimard, 1973; et René Leys, LGF, 1999.

Informations complémentaires

ISBN

2-911803-21-3

Pages

192

Format

15×21

UGS : be1f76aa37b1 Thème : Collection :