Chez le lecteur que je fus, à la publication même de L’Être et le néant en 1943, deux sentiments furent au cœur de mon admiration : d’abord l’évidence d’une analyse exacte de la liberté et ensuite l’étrangeté d’une sorte de poésie conduisant hors de la réalité par l’apparente redondance du style et par l’originalité du rythme et du lexique.

Je voudrais mieux justifier mon admiration en regardant de près deux pages de L’Être et le néant qui rassemblent avec le plus grand talent philosophique et littéraire toute la pensée de Sartre sur la liberté.

Il est certain que les censeurs de l’époque, allemands ou français, n’ont pas « vu » que L’Être et le néant était non seulement le discours de la servitude volontaire, mais encore le discours clair et ferme de la liberté totale.

Mais il reste que L’Être et le néant est un grand livre paradoxal. Il nous donne enfin ce qu’aucun philosophe n’avait jamais réussi à nous donner, et qui est la certitude de la liberté ; mais, dans le même temps, il pense nous reprendre ce que nous avons toujours désiré et qui est la joie de vivre.

Robert Misrahi est Professeur émérite à la Sorbonne est l’un des plus grands spécialistes de la pensée de Spinoza. Sa réflexion éthique sur le bonheur frappe par son caractère cohérent, concret et « existentiel ». Il en explore aussi les conséquences politiques, comme dans son dernier livre, Le Grand désir (Le Bord de l’Eau, 2016).

En librairie le 12 juin 2017,