Anne-Lise Humain-Lamoure

Faire Une Démocratie De Quartier ?

22.00

La loi de démocratie de proximité, adoptée en février 2002, encourage fortement ou impose, selon les cas, la création de quartiers de démocratie locale, subdivisions institutionnalisées du territoire communal. Le quartier, au-delà d’un espace de vie, devient donc un nouveau territoire politique à produire.
Pour la première fois depuis la Révolution française, il s’agit non pas d’agréger des territoires préexistants, comme les départements pour créer les régions, mais de découper un des territoires de la République, et en l’occurrence, le plus petit, la commune. Cette loi offre donc l’opportunité, historiquement rare, d’analyser un découpage politique en construction, à toutes ses étapes, du débat sur la loi au découpage lui-même, puis à son appropriation politique et sociale. La genèse, la production et l’usage de ces nouveaux quartiers, territoires de démocratie locale, soulèvent de nombreux enjeux territoriaux et socio-politiques, notamment dans le contexte hétérogène et complexe de l’agglomération parisienne.
En effet, le consensus social qui semble s’établir autour de la notion de quartier pour les habitants, est moins univoque qu’il n’y paraît et le statut politique de ce nouveau type de quartier reste incertain pour les acteurs municipaux.
La territorialisation de ces quartiers devient l’enjeu de clivages socio-politiques qui se traduisent nettement dans l’espace. Les choix et les procédures de territorialisation sont divers et dépendent très largement, mais différemment selon les lieux, de la morphologie socio-spatiale et des appartenances politiques municipales.
Les dynamiques d’appropriation progressive de ces quartiers – affiliations politiques et appartenances, voire identifications territoriales – de la part des différents acteurs, accentuent des effets de démocratie locale différentielle déjà lisibles dans la territorialisation des quartiers. Enfin, la création de ces quartiers modifie les rapports entre les acteurs dans la gestion urbaine, en créant des interfaces nouvelles entre échelons et entre territoires d’action publique.
Si les élus restent encore très jaloux de leur territoire municipal, base selon eux de la légitimité démocratique, les conseils de quartier pourraient être une première brèche dans une vision républicaine vieille de deux siècles et ainsi favoriser l’émergence de dynamiques territoriales où la commune ne serait plus intouchable. Cependant, ces quartiers de démocratie locale, encore très jeunes, pourraient représenter à l’avenir un « contrat territorial » reposant sur la recherche d’un « bien commun » – le quartier – en lieu et place d’un « contrat social » fondé sur la notion d’intérêt général, au risque d’une nouvelle forme de ségrégation territoriale.

L’auteur : Anne-Lise Humain-Lamoure est agrégée et docteure en géographie. Elle enseigne à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Informations complémentaires

ISBN

978-2-35687-048-3

Pages

300

Format

13×20.5

UGS : 70760a80f249 Thème : Collection :